L'opportunité d'attaquer les banques libanaises bloquant les fonds à des clients français


Depuis fin 2019, le Liban fait face à une crise économique et financière que les autorités bancaires et judiciaires du pays peinent à contenir.  Cette crise s’est étendue dans tout le pays et s’est transformée depuis lors en crise sociale. 

 

Tout a commencé en septembre 2019 lorsque les premiers signes d’une pénurie de devises en dollars sont apparus. En octobre 2019, quand le peuple libanais a pris la rue pour protester contre des défaillances du régime politique, les banques ont fermé leur portent pendant une dizaine de jours. 

 

Dès lors, le taux de change de la livre libanaise contre le dollar s’est affolé et la livre libanaise a grandement perdu en valeur. Cette devise a commencé à s’échanger sur le marché noir. S’en est suivi une série de restrictions décidées par les banques visant à réduire, voire empêcher les transferts d’argent vers l’étranger. 

 

De nombreux clients étrangers ou résidant à l’étranger de ces banques libanaises, ont dès lors vu leurs fonds bloqués et leurs demandes de transfert en dollars ou en euros auprès d’une autre banque refusée. 

 

Néanmoins, après de nombreux recours de certains de ces clients dans différents pays, les juridictions étrangères se sont saisies de la problématique. Ainsi, des décisions ont été rendues aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni notamment. 

 

Les juges nationaux ont alors condamné et contraint des banques libanaises établies de différentes manières dans ces pays à effectuer les transferts des fonds en dollars demandés par leur client. 

 

En France, le Tribunal Judiciaire de Paris a également été saisi de cette problématique et a rendu, par un jugement le 19 novembre 2021, une décision similaire. 

La Cour d’appel de Paris a confirmé ce jugement dans un arrêt du 23 novembre 2022 longuement motivé et qui pourrait fonder une jurisprudence prometteuse pour les clients français de banque libanaise. 

 

Selon les juges du fond, la ressortissante française, qui avait vu ses fonds bloqués depuis 2019 par une banque libanaise, était parfaitement en droit d’exercer une action en justice auprès des juridictions françaises. 

 

Les juges appliquent rigoureusement le droit européen de la consommation afin d’affirmer leur compétence dans le litige. En effet, tout consommateur ayant sa résidence habituelle en France, la nationalité française ou dont le litige concerne des faits produisent sur le territoire français, peut agir en justice devant les juridictions françaises.

 

Une clause exclusive de compétence précisait pourtant dans les dispositions contractuelles entre la banque et sa cliente, que les juridictions libanaises seraient les seules à trancher tout litige quant à leur relation. 

 

Mais les juges appliquent une nouvelle fois le droit français et européen de la consommation qui permet d’écarter toute clause empêchant au consommateur d’agir en justice selon les règles de compétence énoncées ci-dessus. 

 

Enfin, la juridiction française interprète les dispositions du contrat entre la banque et sa cliente au regard du droit libanais. Ce contrat prévoyait, comme la majorité des contrats dans ce type de litige, une possibilité pour les clients de retirer les fonds placés en dollars ou en euros, dans ces devises, depuis l’étranger. 

 

La banque libanaise avançait que son obligation de restitution était remplie dès lors qu’elle avait émis deux chèques tirés sur la Banque du Liban, en euro et en dollars, à l’ordre d’un notaire qu’elle avait choisi pour procéder à une consignation. Selon les juges français, ces chèques consignés près d’un notaire caractérisent, au contraire « l’impossibilité [pour la cliente] de disposer des fonds de manière effective au terme de la procédure employée ».

 

Cet arrêt ouvre donc enfin une possibilité concrète pour les clients étrangers d’obtenir la restitution de leurs fonds par les banques libanaises, par le biais d’opérations de saisie conséquentes au jugement émis contre lesdites banques. 


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