Livre blanc : Comment se défendre face à une accusation de fraude fiscale ? (Partie 1)


En avril dernier, quatorze anciens dirigeants de la société d’investissement Wendel ont été reconnus coupables de fraude fiscale et de complicité de fraude fiscale. Les prévenus ont participé à un montage lié à un système d’intéressement leur ayant permis de se répartir plus de 316 millions d’euros, sans verser d’impôt. L’ancien président du directoire a été condamné à 4 ans d’emprisonnement avec sursis et devra verser une amende de 37 500 euros, montant maximum prévu par le Code pénal en vigueur au moment des faits. Désormais, la fraude fiscale est passible d’une amende de 500 000 euros. 

Ces dernières années, la lutte contre la fraude fiscale s’est intensifiée. Par exemple, depuis 2016, le Gouvernement peut autoriser l’Administration fiscale à indemniser toute personne dès lors qu’elle lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte d’un manquement aux règles en matière de fiscalité internationale. Concrètement, les aviseurs fiscaux sont des dénonciateurs de fraude fiscale contre rémunération. 

En parallèle de cette lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment, le législateur a étendu le champ d’application de certaines procédures de transaction, désormais applicables en matière fiscale. Les contribuables bénéficient désormais d’une certaine marge de négociation en cas de poursuites pour fraude fiscale. 

I. La notion de fraude fiscale

  • Qu’est-ce qu’une fraude fiscale ?

Conformément à l’article 1741 du Code général des impôts (CGI), une personne est coupable du délit de fraude fiscale lorsqu’elle s’est frauduleusement soustraite ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel de l’impôt. Peu importe la nature du procédé utilisé : il peut s’agir de l’omission de déclaration, de la dissimulation de sommes sujettes à l’impôt, de l’organisation d’insolvabilité ou d’autres manœuvres faisant obstacle au recouvrement de l’impôt. La seule chose qui compte est la volonté de frauder, peu importe le moyen.

 

La qualification de fraude fiscale suppose la réunion de deux éléments, matériel et moral :

1) Un élément matériel  

Tout d’abord, il faut qu’il y ait des éléments matériels caractérisant la soustraction ou la tentative de soustraction à l’établissement ou au paiement des impôts concernés. Le délit peut revêtir de nombreuses formes, dont :

  • Le fait d’omettre volontairement de faire sa déclaration dans les délais prescrits ;
  • Le fait de volontairement dissimuler une part des sommes sujettes à l’impôt ;
  • Le fait d’organiser son insolvabilité ou de mettre obstacle par d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt ;
  • Le fait d’agir de toute autre manière frauduleuse

En cas de dissimulation, les peines ne sont applicables que si la dissimulation des sommes sujettes à l’impôt est supérieure au dixième de la somme imposable ou supérieure à 153 euros. 

La fraude fiscale concerne aussi bien les impôts directs et indirects, droits d’enregistrement et taxes assimilées, telles que la TVA ou encore l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Par exemple, a été déclaré coupable de fraude fiscale le notaire qui a souscrit des déclarations minorées relatives à l’ISF (désormais IFI) et qui a minoré la valeur déclarée des immeubles donnés au titre d’une notation-partage.

 

2) Un élément intentionnel

L’infraction doit présenter un caractère frauduleux, ce qui suppose que son auteur ait été animé par une volonté de fraude. La preuve du caractère intentionnel incombe aux parties poursuivantes, le Ministère public et l’Administration fiscale.

 

  • Comment sont mises en œuvre les poursuites pour fraude fiscale ?

Les poursuites en matière de fraude fiscale peuvent être engagées selon deux modalités :

D’une part, l’Administration fiscale peut, à son initiative et sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales, poursuivre le contribuable par dépôt de plainte. Toutefois, l’avis de cette Commission n’est pas requis lorsqu’il existe des présomptions caractérisées qu’une infraction fiscale a été commise et pour laquelle il existe un risque de dépérissement des preuves. 

D’autre part, l’Administration fiscale peut dénoncer des faits de fraude fiscale au procureur de la République. Le parquet est alors libre d’engager ou non les poursuites. 

 

  • Quelles sont les personnes susceptibles d’être poursuivies pour fraude fiscale ?

Tant les particuliers que les entreprises peuvent être tenus pour responsable de délit de fraude fiscale.

Dans le cas d’un particulier, le redevable poursuivi est la personne signataire de la déclaration ou celle qui y était tenue en cas d’omission déclarative. Pour les personnes mariées ou liées par PACS, celles-ci sont conjointement poursuivies en cas de fraude fiscale étant donné qu’elles signent conjointement la déclaration des revenus du foyer fiscal. Toutefois, si le délit ne concerne que la déclaration catégorielle d’un des conjoints, seul ce dernier peut être poursuivi, sous réserve que l’autre conjoint n’ait pas été complice de l’infraction. 

Les entreprises peuvent également être poursuivies pénalement. En effet, conformément à l’article 121-2 du Code pénal, les personnes morales sont pénalement responsables des infractions commises pour leur compte et par leurs organes ou représentants. Dans ce cas, c’est généralement le dirigeant de droit qui est poursuivi.

  • Quelles sont les sanctions en cas de fraude fiscale ?

Le délit de fraude fiscal peut déboucher sur diverses sanctions, lesquelles se subdivisent en deux grandes catégories :

  • Les sanctions pénales, consistant en des peines correctionnelles prononcées par les tribunaux de l’ordre judiciaire pour des infractions d’une particulière gravité 
  • Les sanctions fiscales appliquées par l’administration (majorations de droits, intérêts de retard, amendes fiscales…)

 

Le délinquant est passible d’une amende de 500 000 euros dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction et d’un d’emprisonnement de cinq ans. Les peines sont portées à 3 000 000 d’euros et 7 ans d’emprisonnement lorsque la fraude a été commise en bande organisée ou réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts auprès d’organismes établis à l’étranger, soit de l’usage d’une fausse identité ou de faux documents, etc. Pour les personnes morales, l’amende est égale au décuple de celui prévu pour les personnes physiques.

 

Des peines complémentaires d’interdiction des droits civiques, civils et de famille, peuvent également être prononcées. Par exemple, une personne peut se voir interdire d’exercer, directement ou indirectement, une profession libérale, commerce ou industrielle. En outre, le juge peut prononcer l’affichage du jugement de condamnation et la publication de la condamnation dans des journaux déterminés.

 

En matière de fraude fiscale, les poursuites pénales peuvent être engagées pendant six ans à partir de l’année qui suit l’infraction.

 

Les poursuites pénales accompagnent le plus souvent des pénalités et des sanctions fiscales, comme des intérêts de retard (0,20% par mois de retard), des majorations de droits et des amendes. En effet, en plus de la condamnation du contribuable au paiement de l’impôt dû, celui-ci peut se voir appliquer une majoration égale à : 

  • 100% en cas d’opposition à un contrôle fiscal
  • 80% en cas d’activité occulte, abus de droit, manœuvres frauduleuses, dissimulation d’une partie du prix, etc.
  • 40% en cas de manquement délibéré ou de défaut de déclaration dans les trente jours suivant une mise en demeure, etc.

Toutefois, les sanctions pénales ne peuvent s’appliquer qu’aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse, eu égard au montant des droits fraudés, à la nature des agissements de la personne poursuivie et des circonstances de l’intervention. Par conséquent, le cumul des sanctions fiscales et pénales est réservé aux cas les plus graves.


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