Face au renforcement de la preuve de négligence grave incombe à la banque : L'intervention d'un spécialiste s'impose avant d'entreprendre toute action


Dans un arrêt rendu le 2 février 2022,  la cour d’appel de Bastia rappelle que le payeur supporte les conséquences d'opérations frauduleuses sur son compte bancaire des lors que la banque prouve sa négligence grave. 

La décision s’est forgée à partir d’une situation où une personne a été victime d'une escroquerie sur son compte bancaire par l'intermédiaire d'une application dédiée sur son téléphone mobile qui a effectué frauduleusement un virement d’une somme au profit du fraudeur.

À la suite du refus de remboursement par la banque, 

la victime l’a assigné devant le tribunal aux fins de condamnation au paiement de la somme détournée.

Par application de l'article L133-18 du code monétaire et financier, le tribunal de première instance, a alors condamné la banque à rembourser la victime

La banque a interjeté appel de ce jugement, faisant avoir que :

  • La page d'accueil du site frauduleux usurpant l'identité de la banque n'a pas été produite par l'intimé, de sorte qu'il n'a donc pas été possible d'apprécier s'il 'correspondant en tout point avec le site habituel de la banque et sans qu'aucun élément ne puisse suggérer une fraude, comme indiqué par le tribunal. 

 

  • Le virement litigieux n'a été réalisé au détriment de l'intimé qu'en raison de sa seule et unique négligence, en se fondant sur les dispositions de l'article L 133-16 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur au 15 mai 2019, lequel prévoit les obligations qui incombent à l'utilisateur d'un instrument de paiement. 

 

 

  • A défaut de respecter les obligations résultant de ces dispositions légales, l'utilisateur du moyen de paiement est considéré comme ayant agi avec négligence grave et se voit alors contraint de supporter les pertes occasionnées par les opérations de paiement non autorisées, au sens de l'article L.133-19 IV du code monétaire et financier.

 

  • Le client de la banque doit redoubler d'attention du fait de l'augmentation du nombre de fraude, en précisant que la banque comme l'ensemble des médias et le gouvernement rappellent régulièrement les consignes de sécurité à respecter. 

 

  • L'article L 133-23 du code monétaire et financier prévoit que les banques doivent être en mesure d'authentifier les opérations réalisées par leurs clients et précise les différentes méthodes d'authentification qui varient selon les banques et les modes de paiement (code à usage unique par SMS, clés personnelles, boîtier électronique)

 

  • L'intimé bénéficiait de la clé digitale, qui est un système d'authentification forte dont le fonctionnement répond aux exigences du gouvernement

 

  • La notification sollicitant la validation d'ajout de bénéficiaire est le deuxième dispositif de sécurité mis en place dans le cadre d'un virement

 

  • L'intimé a confirmé sur son téléphone l'ensemble des données affichées acceptant ainsi l'ajout du nouveau bénéficiaire de virement dans sa liste de confiance et que s'il n'était pas d'accord, il aurait dû annuler l'opération, ainsi il n'y aurait pas eu de virement frauduleux. 

 

De son côté, l'intimé reprend ses moyens et arguments de première instance, en :

  • Invoquant les dispositions des articles L133-19 et L 133-23 du code monétaire et financier et rappelant que la charge de la preuve d'agissements frauduleux de la part du payeur ou d'une négligence grave de celui-ci, incombe à la banque. 

 

  • Il expose le déroulement des opérations tel qu'il s'est produit et affirme n'avoir communiqué à aucun moment à son interlocuteur ses identifiants et mot de passe mais les avoir renseignés sur la page habituelle de son espace client internet. 

 

  • Il conteste les allégations de l'appelante soutenant que celui-ci a volontairement confirmé depuis son téléphone portable, l'ajout du nouveau bénéficiaire du virement frauduleux et, au vu du compte rendu informatique des opérations réalisées le jour de l'escroquerie, produit en appel par la banque, il dit ne pas se souvenir d'une telle opération et conteste avoir rajouté un bénéficiaire de virement inconnu. 

 

  • Il ajoute que le lien envoyé par SMS ne comportait aucune anomalie apparente lui laissant présager son origine frauduleuse. 

 

La cour d'appel relève que :

  • Il résulte de l'ensemble des dispositions des articles L 133-19 et L 133-23 du code monétaire et financier, que le payeur ne supporte pas les conséquences d'opérations frauduleuses sur son compte bancaire en cas de vol ou d'usurpation de ses données ou moyens de paiement sauf s'il peut lui être reproché une déclaration frauduleuse ou bien une négligence grave dans la conservation de ses données personnelles d'authentification et de paiement. 

 

  • La charge de la preuve d'agissements frauduleux de la part du payeur ou d'une négligence grave de celui-ci incombe à la banque. 

 

  • L'examen des éléments et pièces versés aux débats permet d'établir que selon les modalités du déroulement de l'opération frauduleuse, suite à la réception d’un sms, l’intimé s'est d’une part identifié sur le site frauduleux vers lequel il a été orienté et a permis au fraudeur de récupérer ses données confidentielles d'accès à son compte, d'autre part, à grâce à l'utilisation de sa clé digitale validé un nouveau bénéficiaire. Or, cette clé digitale n'est installée que sur le téléphone portable de l'intimé.

 

  • Les déclarations et de ses pièces versées aux débats,  prouvent qu’a la date de cette opération de validation, l’intimé était l'utilisateur de son téléphone

 

  • Il n'est pas contestable que le relevé télématique indique 'la demande de validation de l'ajout du bénéficiaire a été réalisée sur le téléphone mobile de l’intimé qui a reçu une notification affichant l'opération à valider (opération « CANALVALID »). Malgré ce message explicite, l'intimé a validé cette demande d'ajout du bénéficiaire par sa clé digitale, ce qui a permis à la réalisation de l'opération frauduleuse 

 

  • L’intimé a fait état d'un moment de réticence de sa partaux termes de sa lettre adressée à la médiatrice`

 

  • L'intimé a aussi exprimé sa méfiance lors du dépôt de sa plainte 

 

  • L'absence de réaction à un ajout non sollicité d'un bénéficiaire de virement, par l’intimé, alors que ce dernier déclare lui-même à deux reprises, une certaine méfiance, comme exprimé ci-dessus, et a, en outre l'attention attirée, d'une part, de façon générale par les alertes aux fraudes  communiquées par l'intermédiaire des médias que par la banque, d'autre part, par le message formulé par la banque avec la demande de validation d'un nouveau bénéficiaire, constitue en soi une négligence grave commise par celui-ci. 

 

De ce fait, la cour a estimé, contrairement au premier juge, que la preuve de la négligence grave de l'intimé est rapportée par l'appelante. 

 

En conséquence elle a Infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et a Condamné l’intimé à rembourser à la banque les sommes payées au titre de l'exécution provisoire.

 

→ La cour d’appel a fondé son jugement sur la base de la confusion citée par la victime de la fraude bancaire aux termes de la plainte déposée et de la lettre adressée au médiateur de la banque.

 

Il est alors important de se montrer plus vigilant face à la preuve de la négligence grave incombée à la banque. De ce fait, la victime d’une fraude bancaire doit procéder à l’appel d’un spécialiste bien avant de déposer une plainte et de s’adresser au médiateur de la banque.


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