Comment négocier son contrat e-sport ?


Accompagnant la diversification des jeux vidéo, la massification des joueurs et le développement des plateformes de streaming, le domaine des compétitions e-sport est également en plein essor. A ce titre, le League of Legends World Championship, la FIFA eWorld Cup ou encore l’Overwatch League en constituent certains importants piliers. Les compétiteurs sont généralement des joueurs passionnés et surentraînés, dans le but de devenir les meilleurs de leur catégorie, et remporter, à l’instar de toute compétition sportive classique, un gain financier en fonction de leur classement final. Certains joueurs professionnels ont ainsi fait de leur passion leur véritable métier à temps plein. 

Mais quel type de contrat de travail est applicable en matière d’e-sport ? 

Qu’est-ce qu’un contrat e-sport ?

L’e-sport, ou sport électronique, désigne la pratique du jeu vidéo en compétition, que ce soit en amateur ou en professionnel, dans son salon ou au sein d’arènes de jeux. La pratique compétitive des jeux vidéo s’est progressivement développée, soulevant de nombreuses problématiques quant à l’encadrement contractuel de ses joueurs et de leurs relations professionnelles. 

Afin de protéger le développement de l’e-sport, le législateur a institué en 2016 un premier régime juridique intégrant les spécificités de la matière. En effet, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, suivi du décret de 2017 relatif au statut des joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs, a créé un contrat de travail spécifique aux joueurs professionnels de jeux vidéo.

 

Ce contrat de travail propre au monde du e-sport présente différentes caractéristiques :

Le contrat à durée indéterminée

Il s’agit d’un contrat à durée déterminée (CDD) d’une durée minimale d’un an et maximale de cinq ans, renouvelable indéfiniment. Le contrat à durée indéterminée (CDI), qui est pourtant le contrat de droit commun, n’est pas adapté aux spécificités de l’e-sport. En effet, les compétitions de jeux vidéo fonctionnent par saison de 12 mois, nécessitant de fait une fluidité accrue dans la sélection ou remplacement des effectifs d’une équipe. 

Par exception, un contrat e-sport peut être conclu pour une durée inférieure à douze mois en cas de remplacement d’un joueur professionnel absent ou s’il court au minimum jusqu’au terme de la saison du jeu. Par exemple, le contrat e-sport est conclu en vue de la création d’un nouveau poste de joueur dans une équipe existante, dès lors que le contrat court au moins jusqu’au terme de la saison du jeu.

Mentions obligatoires du contrat

Le contrat de e-sport doit répondre à un certain formalisme[1] : rédigé en au moins trois exemplaires originaux, il doit être établi par écrit, comporter l’identité des parties, la date d’embauche du joueur et la durée de son engagement, le montant de sa rémunération…

Cependant, contrairement à d’autres CDD, il ne comporte pas d’indemnité de précarité obligatoire.

 


[1] Article 102, LOI n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

Contrat obligatoire pour les sociétés et associations ayant reçu l’agrément

Le contrat de e-sport est obligatoire pour les sociétés ayant reçu l’agrément du Ministère en charge du numérique. Ainsi, la possibilité de conclure de tels contrats avec des joueurs professionnels n’est réservée qu’à certaines sociétés et associations ayant obtenu un agrément spécial. A ce jour, ce statut se répand mais réservé aux plus grosses structures, telles que TIDES, GameWard, Gamers Origin, LDLC OL et Izidream. 

Le respect de ces conditions de forme et de fond est essentiel puisqu’en cas d’irrégularité, le contrat signé pourra être requalifié en CDI. En outre, l’employeur pourra être condamné à payer une amende de 3 750 € et risque 6 mois d’emprisonnement. 

Le cas des mineurs

En principe, en droit commun du travail, il est interdit d’employer des travailleurs de moins de 16 ans. Toutefois, la loi du 7 octobre 2016 a porté une attention particulière aux joueurs d’e-sport mineurs, qui constituent une part importante des joueurs amateurs et professionnels. Ainsi, une structure bénéficiant de l’agrément peut employer des mineurs de moins de 16 ans, dès lors qu’elle en a reçu l’autorisation de la Commission des enfants du spectacle. Les mineurs de moins de 12 ans ont toutefois l’interdiction de participer aux compétitions e-sportives.

Pour les mineurs non émancipés, ils doivent disposer d’une autorisation parentale pour pouvoir travailler entre 16 et 18 ans.

Peut-on négocier un contrat e-sport ?

Le contrat e-sport reste un contrat de travail dont les modalités peuvent être négociées, à l’exception de sa durée minimale ou maximale. Par exemple, il peut être intéressant de négocier les heures et jours de jeu, ainsi que les jours de participation aux tournois. 

Toutefois, le CDD e-sport ne semble pas adapté aux exigences du secteur en matière de flexibilité et de temps de travail. En effet, un joueur professionnel peut être amené à participer à des compétitions les jours fériés, les weekends ou de nuit. En l’absence de convention collective spécifique au secteur de l’e-sport, aucune disposition ne régit ce type particularité. En outre, les joueurs professionnels sont menés à s’entraîner de nombreuses heures en vue des compétitions. Or il est particulièrement difficile de distinguer clairement entre les heures d’entraînement au titre du contrat de travail et les heures de jeux « loisirs ».

Néanmoins, il est essentiel d’adapter son contrat e-sport afin de ne pas violer les dispositions contractuelles, et engager sa responsabilité. En effet, le non-respect du contrat de travail peut être sanctionné par la rupture du contrat et la condamnation à des dommages et intérêts. 

Comment récupérer ses gains ?

Au-delà du salaire prévu dans les contrats de e-sport ou des revenus de streaming, les joueurs professionnels peuvent gagner lors des compétitions ce qu’on appelle des « cash prizes ». Dans ce cas, lorsqu’ils remportent une compétition, les joueurs salariés d’une structure se voient reverser une rémunération complémentaire sous forme de « prime de match ». Ces primes doivent être déclarées par les joueurs puisqu’elles sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires. En outre, ces primes seront sujettes aux cotisations sociales, à la CSG ainsi qu’à la CRDS. 

 

Par ailleurs, la perception de ces gains par les joueurs est garantie par de nombreux procédés. Par exemple, lorsque le montant total des gains dépasse la somme de 10 000 euros, l’organisateur de la compétition doit justifier de l’existence d’un instrument garantissant le versement du cash prize aux joueurs (fiducie, sûreté, assurance…). 

Conclusion

Bien que le législateur ait institué un contrat de travail propre aux joueurs professionnels de e-sport, celui-ci ne semble pas toujours adapté aux spécificités de ce domaine. Il est donc très important de négocier son contrat e-sport afin que celui-ci corresponde au mieux à la réalité de ce métier 2.0. 

 


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